Récit d'une bataille perdue

Les raisons de la publication de la tribune dans Le Monde

Nous avions évoqué lors de précédente newsletter notre combat pour tenter de faire reconnaître la plus-value des OS libres pour la durabilité. Cette lutte s’inscrivait dans le cadre de la conception de l’indice de durabilité que voulait mettre en place l’État français sur les smartphones.

Dès 2018, nous avions porté cette proposition dans le cadre des GT (Groupes de Travail) de conception de l’indice de « réparabilité ». À l’époque, le CGDD et l’ADEME s’étaient laissés convaincre par Apple, l’AFNUM et autres sur le fait que ce critère était associé à la durabilité, car il traitait de la longévité des OS et non pas de la réparabilité. Soit, nous avions accepté ce constat, déterminés à remettre le sujet sur la table.

Arrivent alors les GT de l’indice de durabilité, Adrien s’est porté volontaire pour être copilote avec la personne de l’AFNUM du GT smartphone. Il faut reconnaître à l’ADEME et au CGDD la volonté d’avoir voulu conserver une représentativité de point de vue jusque dans les postes de copilotage.

Durant presque deux ans, nous avons travaillé à co-concevoir les grilles d’évaluation du futur indice, bataillant pour faire reconnaître l’importance de la modularité, la prise en compte de l’obsolescence marketing, la reconnaissance de l’extension GRATUITE de la garantie constructeur, la notion de batterie amovible, ou encore la valorisation du choix laissé à l’utilisateur d’installer un OS alternatif.

Sur ce point, nous avons produit avec le collectif FairTEC une note sourcée, nous avons alerté des personnes au sein de la DINUM pour qu’elles s’emparent également de ce sujet. Cela a conduit à la rédaction d’une note par le conseil national du logiciel libre !

En face, la levée de boucliers fut violente. Utilisation d’arguments d’autorité sans aucune forme de fondement scientifique, aucune contribution sourcée pour étayer les propos, monopolisation du temps de parole pour paraphraser les deux mêmes arguments en boucles :

  • Rien ne prouve que les OS libres soient plus durables et que la communauté les maintienne dans la durée.

  • Les OS libres ce n’est pas fiables/sécurisés.

Nous avons démonté par le menu chacune de ces affirmations.

Et finalement, nous avions obtenu un arbitrage favorable du ministère sur ce sous-critères. L’indice aurait dû compter 2,6 points / 100 sur le fait de pouvoir installer l’OS de son choix sur son smartphone. La notion d’OS libre elle aurait dû être présente dans les annexes des décrets d’applications.

Par ailleurs, nous avions perdu sur de nombreux points comme sur le fait de valoriser les constructeurs qui limitaient la sortie de nouveaux modèles en donnant des points seulement à partir d’un nouveau modèle tous les 2 ans. Idem arbitrage en notre défaveur sur la notion de batterie amovible, sujet sur lequel, nous avions alerté notre communauté sur Mastodon en octobre lors de la concertation publique.

Nous n’osions pas vraiment crier victoire sur le critère des OS libre trop tôt, car nous savions que le fait que la France reconnaisse la plus-value des OS libre pour la durabilité représentait une attaque frontale du business modèle basé sur l’exploitation des données personnelles à des fins publicitaires des GAFAM. Même 2,6 points sur 100 au niveau français aurait été l’occasion de mettre ensuite un pied dans la porte au niveau Européen.

Et sans surprise, les acteurs dominants du marché ont tout fait pour saboter l’indice de durabilité Français au niveau de l’UE où nous ne sommes pas encore présents par manque de temps/moyens.

L’AFNUM qui copilotait avec nous les GT, dans le même temps, plaidait au niveau de l’UE pour son invalidation. Prétextant que le consommateur serait perdu avec tous ces critères, voir leur contribution en anglais sur le sujet.

En effet, l’UE prévoit de déployer prochainement l’étiquette énergie qui sera composée de tout un tas de sous-critère dont la réparabilité. Cette étiquette aurait dû être complémentaire de l’indice de durabilité français dont les sous-critères étaient plus ambitieux que ceux utilisés das l’indice de réparabilité de l’UE.

Le plus gros bémol sera le rendu visuel alors que l’indice aurait permis d’indiquer une note claire sur 10 sur la durabilité de l’appareil. La première note que verra le consommateur sera celle associée à la consommation énergétique de son smartphone… alors que la majorité des impacts résident dans sa fabrication. Un smartphone pourra être totalement irréparable et pas durable, mais avoir note A en vert sur l’étiquette, si sa consommation électrique est faible.

L’indice de durabilité français devrait voir le jour pour les TV et les machines à laver. Mais ce ne sera clairement pas le cas pour les smartphones.

Nous avons donc perdu cette bataille, mais la lutte pour la reconnaissance du Libre continue et bien heureusement, nous ne sommes pas les seuls à la porter !

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